Aubanel, un Bouquet de Poèmes


Le Capitaine Grec

Un capitàni grè que pourtavo curasso,

Dóu tèms de Barbo-rousso, es esta moun aujòu ;

Cercant lis estramas, ébri dóu chaplachòu

Dis armo, ferre au poung cridavo : Arrasso ! arrasso !...

A grand galop, terrible, indoumtable, ferouge !...

D'aqui vèn que, pèr fes, de sang moun vers es rouge :

Tire d'éu moun amour di femo e dóu soulèu...

Un capitaine grec qui portait cuirasse, 

du temps de Barberousse, a été mon aïeul ;

 grand chercheur d'aventures, 

s'enivrant du fracas des armes, 

fer au poing il criait : Gare devant !... 

Au grand galop, terrible, indomptable, farouche !.. 

De là vient que parfois mon vers de sang est rouge : 

je tire de lui mon amour des femmes et du soleil...

Chambrette, Chambrette...

Ah ! vaqui pamens la chambreto

Ounte vivié la chatouneto !

Mai, aro, coume l'atrouva,

Dins lis endré qu'a tant treva ?

O mis iue, mi grands iue bevièire,

Dins soun mirau regardas bèn :

Mirau, mirau, fai-me la vèire,

Tu que l'as visto tant souvènt...

Ah ! voilà pourtant la chambrette où vivait la jeune fille ! 

mais, maintenant, comment la retrouver, dans les lieux qu'elle a tant hantés ? 

O mes yeux, mes grands yeux buveurs, dans son miroir regardez bien : miroir, miroir! montre-la-moi, toi qui l'as vue si souvent...

Le Ventoux

Ventour espetaclous, nis d'aiglo e d'aubanèu,

Toun front nus, à l'adré, blanquejo sout la nèu;

A l'uba, la fourèst fai ta tèsto negrasso;

Li loup trèvon ti draio ounte l'ome s'alasso,...

Ventoux effrayant, nid d'aigles bruns et d'aigles blancs, ton front nu, au midi, est blanc sous la neige. Au nord, la forêt te fait une noire chevelure ! les loups hantent tes sentiers où l'homme s'essouffle...

La Vénus d'Arles

O douço Venus d'Arle ! o fado de jouvènço !

Ta bèuta que clarejo en touto la Prouvènço,

Fai bello nòsti fiho e nosti drole san !

Souto aquelo car bruno, o Venus ! i'a toun sang,

Sèmpre viéu, sèmpre caud. E nosti chato alerto,

Vaqui perqué s'envan la peitrino duberto !

E nosti gai jouvènt, vaqui perqué soun fort

I lucho de l'amour, di brau e de la mort !... -

E vaqui perqué t'ame, - e ta bèuta m'engano, -

E perqué iéu crestian, te cante, o grand pagano !...

Ô douce Vénus d'Arles, ô fée de jeunesse ! ta beauté qui rayonne sur toute la Provence fait belles nos filles et sains nos garçons ! sous cette chair brune, ô Vénus ! il y a ton sang, toujours vif toujours chaud. Et nos jeunes filles alertes, voilà pourquoi elles s'en vont la poitrine ouverte et nos gais jeunes hommes, voilà pourquoi ils sont forts aux luttes des taureaux, de l'amour, de la mort. Et voilà pourquoi je t'aime, - et ta beauté m'ensorcelle, - et pourquoi, moi chrétien, je te chante, ô grande païenne !...


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