Théodore Aubanel, frère de Charles et de Joseph, est né à Avignon le 26 mars 1829, au n° 21 d'une rue qui n'existe plus depuis la percée de la rue de la République, la rue St Marc. Dans cette maison, son grand-père avait fondé une imprimerie et une maison d'édition que son fils Laurent, le père de Théodore, avait reprises.
Il est un des fondateurs du Félibrige. Le 21 mai 1854, sept jeunes poètes : Théodore Aubanel, Jean Brunet, Paul Giera, Anselme Mathieu, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille et Alphonse Tavan décident de la renaissance littéraire de la langue d'Oc (le provençal) et prennent le titre de félibres ; Mistral nomma ainsi cette assemblée en rapport aux 7 félibres (docteurs) de la Loi, évoqués dans un cantique provençal. La scène se passe à Font-Ségugne (près de Chateauneuf-de-Gadagne, à 9 kilomètres d'Avignon), dans le chateau de Paul Giera.
En rapports suivis avec tous les maîtres de la littérature française, de Lamartine à Mallarmé, Théodore écrivit trois recueils de poésies lyriques, La Grenade entr'ouverte, Les Filles d'Avignon, Le Soleil d'Outre-Tombe et trois drames, Le Pain du Péché, Le Rapt, Le Pâtre. Comme poète lyrique, Théodore renouvelle la tradition des troubadours et comme auteur dramatique il a une grandeur sombre qui l'apparente à Eschyle. Dans une lettre adressée à Pierre Louys, Paul Valéry l'appelle "le seul vrai poète provençal".
Théodore avait une nature ardente, enthousiaste, passionnée. Il s'était épris d'une jeune fille mince et brune, célèbre par sa grâce et sa beauté, Zani (Jenny Manivet), rencontrée à Font-Ségugne, mais celle-ci, après trois ans de chastes amours partagées, cédant à l'appel d'en-haut, crut devoir partir dans une lointaine mission d'Orient pour se consacrer au service de Dieu et des pauvres. Le jeune homme s'inclina devant cette décision ; mais la blessure de son cœur fut si profonde qu'elle ne guérit jamais. Ni ses voyages, ni son activité débordante, ni le temps n'effacèrent le cher souvenir qui lui inspira ses plus belles œuvres, notamment les vers désespérés de La Mióugrano entreduberto(1860). La gloire de Théodore était trop éclatante pour ne pas porter ombrage aux autres fondateurs du Félibrige. L'un d'eux, Joseph Roumanille, initiateur du mouvement félibréen, le dénonça à l'archevêque comme auteur de livres pernicieux. Le poète, mis en demeure de brûler ses vers, s'exécuta.
Il mourut d'apoplexie, à 57 ans, en pleine production, frappé dans le dos par des "amis" plus soucieux de se débarrasser d'un rival que de voir la littérature provençale s'enrichir de nouveaux chefs-d'œuvre.
L'Imprimerie
Unis par une étroite affection, Théodore et Charles, qui s'étaient associés pour leur commerce, ne se ressemblaient en rien, si ce n'est par leur sens aigu des affaires. Joseph, l'aîné, se consacra aux beaux-arts et se fit un nom dans la peinture, il ne collabora à la Maison que comme illustrateur de charmantes éditions dans le goût romantique.
Sous l'administration des deux frères, la Maison continua à se développer. L'immense notoriété dont ils jouissaient l'un et l'autre leur attira des visites nombreuses et des relations suivies avec les plus illustres personnages de l'époque.
Théodore s'était lié d'amitié avec Stéphane Mallarmé. Pendant son séjour à Tournon, Mallarmé était venu passer des vacances à Avignon en août 1864 et avait été séduit par la cordialité des félibres. Les deux poètes entretenaient une correspondance assidue, ils se communiquaient leurs œuvres et se critiquaient mutuellement. Théodore admirait les poèmes de son ami pour la splendeur des images et l'harmonie des strophes ; mais le besoin de clarté, qu'il tenait de son tempérament latin, lui en faisait regretter parfois l'excessive obscurité. Ces divergences de vue avaient parfois des conséquences drolatiques. Mallarmé s'enracinait de plus en plus dans son goût de l'hermétisme, et s'ingéniait à cacher le sens de ses vers sous des symboles plus impénétrables encore, lorsque son correspondant l'avait trop facilement découvert.
Théodore eut aussi des relations épistolaires avec un de nos plus grands poètes dramatiques. Lettres curieuses que l'on ne peut lire sans mélancolie. Lamartine se débattait alors contre les soucis pécuniaires qui assombrirent la fin de sa vie ; sa plume, qui avait laissé jaillir tant d'œuvres inspirées, dut se prêter à des travaux plus prosaïques pour se ménager une existence digne de son génie et de son nom. Il écrivit un cours de littérature, et pour en assurer le succès, il demanda aux Aubanel de lui prêter leur appui commercial. Théodore et Charles avaient mis à profit la période de prospérité que la France connut sous le second Empire. Quand ils disparurent, leur Firme avait des dépôts et des représentants dans toute l'Europe. Chaque génération avait apporté sa contribution à la tâche héréditaire.
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