Les débuts de Cézanne

Les débuts de Paul Cézanne sont chaotiques.

Plusieurs éléments, relevés ça et là par ses biographes les plus patentés, en témoignent. Très tôt ce jeune garçon, issu de la bonne bourgeoisie provinciale, est confronté à une série de contradictions.

Son père, banquier prospère installé à Aix en Provence après avoir été chapelier, avait de toute évidence rêvé d’une carrière d’avocat pour le jeune Paul Cézanne né en 1839. Inscrit à la faculté de Droit en 1858 après des études classiques au collège Bourbon où il se lie d’amitié avec Emile Zola, Paul Cézanne parvient à convaincre son père de lui octroyer une rente pour aller à Paris suivre des cours de dessin à l’Académie Suisse.

Court séjour pendant lequel, en 1861, il échoue au concours d’entrée aux Beaux Arts et retourne à Aix en Provence bien décidé à devenir peintre à temps plein.

A partir de cette date, Paul Cézanne séjourne fréquemment à Paris, soutenu par Emile Zola, son ami d’enfance et fréquente les chefs de file de l’impressionnisme. Tel un artisan qui doit faire ses preuves, il observe et copie ses maîtres classiques de référence (Poussin, Raphaël, le Gréco et le Titien). Admirateur de Delacroix pour la force émotionnelle et impressionné par le réalisme naturaliste de Courbet, ses premières toiles sont traversées par une expression mal maîtrisée. Portraits, scènes religieuses, natures mortes et paysages de Provence dénotent pendant une dizaine d’année une volonté mal maîtrisée de trouver un ordre dans le flot ininterrompu des sensations ressenties au contact de la nature et de ses semblables.

Quelques portraits de Paul Cézanne, comme par exemple celui d’Achille Emperaire, laissent apparaître des figures « trop humaines» pour être acceptées du grand public plus habitué avec Ingres et David à des représentations idéales de l’humanité. On lui refuse en 1863 la possibilité d’exposer au Salon Officiel mais grâce à l’appui et au soutien indéfectible de Pissarro, il participe à plusieurs expositions impressionnistes de 1874 à 1877. L’échec est cuisant. Les critiques se déchaînent. Paul Cézanne est décrit comme un ogre. De tous les impressionnistes, il est le plus « monstrueux », le plus malhabile, le plus maladroit.

Désormais, Paul Cézanne prend du recul par rapport au mouvement impressionniste. Habité par une vision tragique de l’existence - « C’est effrayant la vie » clame-t-il haut et fort -, il continue de travailler aux côtés de Pissarro. A Auvers-sur-Oise, il affine la technique de la peinture sur motifs en prise directe avec ses modèles et au plus près des paysages de Provence. Progressivement, une vision objective de la nature se dégage. Dans quelques toiles, il parvient enfin à isoler la sensation visuelle en restituant les effets de la lumière et la consistance de l’air. Mais les obstacles à surmonter sont innombrables.